Publications/ Communications

dimanche 13 avril 2014

Grandeur et déclin d'un héros 

ou l'histoire d'un déclassement : 

le pigeon des villes 

Article paru dans la Revue Semestrielle de Droit Animalier de l'Université de Limoges RSDA

Didier LAPOSTRE, président d’AERHO, Association Espaces de Rencontres entre les Hommes et les Oiseaux
Catherine DEHAY, présidente d’ACR, Association Chats des Rues

En traitant, dans cet article, des pigeons bisets des villes, nous sommes bien conscients de parler d’animaux au statut particulier, considérés comme nuisibles dans certaines conditions et objet de tensions entre les habitants des villes. Notre réflexion s'appuiera moins sur l'aspect juridique que sur les représentations du pigeon et leurs évolutions.

Avant de proposer notre réflexion aux lecteurs, présentons les motifs qui nous animent. Les associations que nous présidons ont toutes deux pour objet la place de l’animal dans la ville ; aussi travaillent-elles à mettre en œuvre un partage harmonieux de l’espace urbain entre les hommes et les animaux. Notre démarche s’appuie sur diverses analyses de sociologues et d’anthropologues relatives à la place de l’animal dans les politiques urbaines. Ainsi, comme l'écrit justement Nathalie Blanc pour qui « la prise en considération de l’animal et la valorisation de son statut constituent des phénomènes radicalement nouveaux. Si le végétal est depuis longtemps considéré comme un facteur et un instrument de l’amélioration des conditions de vie en ville, l’animal était rejeté du côté des forces destructrices et dangereuses. […] Le végétal pare et embaume la ville, l’animal la dépare et l’empuantit […]. Mais l’animal n’est pas considéré comme un élément structurant de l’espace urbain, à la différence du végétal, dont l’implantation s’inscrit à la fois dans un ordre esthétique et dans une visée hygiéniste. La végétation est censée avoir un rôle prophylactique, rendre respirable l’air corrompu ; l’air qui circule dans les espaces libres non bâtis chasseraient les miasmes urbains. »[1]. Il y aurait donc, d’un côté, des politiques urbaines qui recherchent le bien-être commun, en s’appuyant, entre autres, sur le développement du végétal et sur la réduction de la présence de l’animal, et, de l’autre, comme en opposition à ce mouvement, des citadins qui éprouvent un réel engouement pour les animaux en général. De réelles tensions pourraient alors apparaître au sein de la cité au sujet de la présence de déjections canines ou d'éventuelles surpopulations de pigeons. Et pourtant, nombreux sont les analystes qui s’accordent à faire des animaux un élément facilitateur des relations sociales, à l'image des enfants. Cependant, tout comme les enfants, il s’agit d’un élément à la fois facilitateur et perturbateur.
Chacune de nos associations se centre sur un type ou une espèce animale : pour ACR, le chat et pour AERHO, le pigeon biset. A partir de ces deux modèles, nous proposons la mise en place de bonnes pratiques à leur égard, avec des outils de gestion permettant leur intégration dans la ville. Des actions de médiation permettent de renouer le dialogue entre nourriciers et plaignants en prenant en compte les préoccupations de chacun. Nous passons ainsi des conventions avec des villes qui nous missionnent pour trouver des solutions éthiques au partage de l’espace au sein de la cité et respectueuses des humains et des animaux.

Dans cet article, nous avons choisi d'étudier le pigeon biset, plus communément nommé « pigeon des villes ». Néanmoins, afin d’étayer notre propos, nous renverrons parfois au cas spécifique du chat des rues, dit « chat libre ». En effet, quelles que soient les différences de représentations, ces deux espèces suscitent le même type de controverses, de tensions, et présentent une évolution des représentations assez semblable.


I. De « l'utile » au « nuisible »

Comme de nombreux articles l’ont montré, le pigeon a été considéré comme utile en France et dans le monde pour quatre raisons : sa chair, qui est agréable et peu coûteuse ; sa fiente, qui peut servir d’engrais ; son rôle de messager ; son rôle d’animal d’agrément en raison d’une domestication aisée qui permet la création de nouvelles races. Dès la fin du XIXème siècle, les deux premières raisons ne sont plus d’actualité. En effet, la consommation de sa chair demeure marginale au regard de celle du poulet et sa fiente est remplacée par les engrais chimiques. De plus, l'utilisation des pigeons par l'homme va évoluer tant sur le plan géographique que social. Si jusqu’au milieu du XIXème siècle les pigeonniers sont pour la plupart installés en zone rurale, ils se voient quelque cinquante ans plus tard largement déplacés dans les villes, au sein des pigeonniers militaires et auprès des colombophiles. En cela, le pigeon suit l'homme dans son urbanisation. Avec la première guerre mondiale, le pigeon est auréolé du titre de héros. Mais il est aussi utilisé pour les concours de tir aux pigeons. Ce sport nécessite un nombre particulièrement important de pigeons. Ainsi, lors de chaque concours, ce sont des milliers de pigeons qui sont lâchés et tués. Le statut du pigeon devient ambivalent : vénéré comme héros national, d’un côté, servant de cible dans les concours de tir, de l’autre. Au cours des années 1930, la présence du pigeon en ville est encouragée et facilitée : grands lâchés de pigeons organisés par les autorités aussi bien dans le cadre de concours colombophiles que de grandes manifestations et autres commémorations. Dans son mémoire sur les représentations des pigeons dans la presse, Eve Givois[2].met en lumière qu’à cette époque le pigeon est mal perçu en raison de ses fientes qui dégradent les bâtiments. Au sortir de la seconde guerre mondiale, durant la période de reconstruction, le pigeon apparaît peu dans les villes[3]. En effet, il semble qu'il ait été consommé par les citadins durant la guerre, qu'il ait occupé un habitat délaissé par l’humain (tels les vieux bâtiments ou greniers) et qu’il se soit éparpillé dans les villes.

La consultation des écrits de la préfecture de police au long des années 50/60 met en évidence la lente construction idéologique qui aboutit à l’éradication de cet être vivant devenu nuisible. Au début des années 1950, le nombre de pigeons à Paris serait passé, en cinq ans, de 15 000 à 70 000 individus. En 1951, le professeur Lépine[4] publie un article dans lequel il affirme que 70 % des pigeons parisiens sont porteurs de l'ornithose. Cette étude ne constitue pas en soi une révolution scientifique. La communauté scientifique n’est pas sans savoir que des animaux peuvent être porteurs sains d’une maladie et, qu’à certains moments et dans certains contextes, une transmission à l’homme de cette maladie est observée. Mais les cas déclarés d’ornithose dans les hôpitaux sont extrêmement rares puisqu'ils s’élèvent à moins d’une dizaine par an sur l’ensemble de la France. De plus, il n'est pas toujours avéré que ces malades aient été en contact avec des pigeons parisiens.

Dans les années qui suivent, l’étude du professeur Lépine connaît un grand succès médiatique. Celle-ci est en quelque sorte l'aboutissement d'une évolution des relations entre le citadin et le pigeon ou, du moins, entre les autorités politiques et administratives et ces animaux. Ainsi, pour la première fois dans les comptes-rendus du conseil municipal de la ville de Paris, mais aussi dans la presse, le pigeon biset est décrit pour les seules nuisances qu'il occasionnerait et non plus comme l'auxiliaire fidèle de l'homme. C'est en termes très réducteurs que les médias et les autorités présentent ces oiseaux : « Les pigeons de Paris sont infectés par une maladie transmissible à l’homme au niveau pulmonaire ». De nombreux articles de presse dénoncent alors la présence et la prolifération de pigeons. « Paris est envahi, on parle de 100 000 à 400 000 pigeons, voire un million »[5]. C’est l’emballement ! Les médias et les politiques reprennent ces chiffres alors qu’aucun comptage n’a jamais eu lieu sur Paris ! Mais dans une période de lutte contre la tuberculose, l’émotion populaire est évidente. Au nom du principe de sécurité sanitaire, les autorités doivent donc intervenir, en tenant compte de la relation particulière de cet animal à l'homme : le lien ténu pour les uns, le mépris pour les autres. Ainsi, tout en mettant en garde contre la présence massive de pigeons, jusqu'au milieu des années 60, les autorités tolèrent le nourrissage des animaux dans les rues. Le préfet de police de la Seine écrit au président de la Société Protectrice des Animaux (SPA) en 1963 : « Jamais il n'a été dans mon esprit d'exterminer ces oiseaux […] l'interdiction de nourrissage ne sera mise en application que lorsque les pigeonniers auront été construits ». Cela permet à la SPA de rendre public un communiqué de presse et de diffuser un tract dont le titre est : « Vous pouvez donner à manger aux pigeons ».

Pourtant, en raison de la pression immobilière qui s’exerce sur les lieux où s’abritent les pigeons, ces oiseaux sont délogés et obligés de se regrouper à d’autres endroits, où leur nombre croît de fait. Afin de réduire leur présence, à Paris et sous l’égide du tristement célèbre préfet Papon, une commission spécialisée de la préfecture impulse « la politique de dépaysement » des pigeons. Cette méthode consiste officiellement à capturer les pigeons, à les entreposer dans une volière au sud de Paris et à trier les animaux sains de ceux qui seraient malades. Les uns seront envoyés en province dans des villes prêtes à les accueillir tandis que les autres seconds seront euthanasiés. Dans un premier temps, les associations de protection animale soutiennent l’initiative de la préfecture de police. Mais, rapidement, le doute s’installe : où vont les animaux ? Que deviennent-ils ? Ne seraient-ils pas tous euthanasiés ? Pire, ne serviraient-ils pas de cible dans les tirs aux pigeons ? Face à ces oppositions et interrogations les autorités ne parlent plus de politique de dépaysement des pigeons et, vers la fin des années 60, les captures à but d'euthanasie se développent et sont officiellement assumées par les autorités préfectorale et municipales de Paris. De nombreuses villes de province vont aussi s'inscrire dans cette nouvelle orientation. Seule consolation pour les associations de protections animales : un certain nombre de villes, comme Paris, vont, dans les années 1970, marier l'eau et le feu : distribution de graines contraceptives à certains endroits et pour certains nourriciers, et, dans le même temps, sur d'autres sites, captures à but d'euthanasie.

La présentation, en quelques lignes, de plusieurs années de construction d’une politique éradicatrice peut sembler schématique ou réductrice. Néanmoins, l’évolution de la perception des autorités sur le sujet apparaît clairement :
  • Années 1950 : les nuisances sont énoncées ;
  • Fin des années 50 : les risques sanitaires sont exagérément mis en avant ;
  • Années 60 : le dépaysement est officiellement organisé ;
  • Fin des années 60 : les captures à but d’euthanasie sont clairement assumées.

C’est dans le cadre de cette lente évolution des représentations que le pigeon est devenu un animal nuisible pour les autorités politiques et administratives, ainsi qu’au niveau d’une partie de l’opinion publique.



II. La réglementation en vigueur : toujours la destruction

Qui aurait pensé dans les années 1870 qu’un siècle plus tard, le pigeon, ce héros de la patrie, serait, selon les situations, soit protégé s’il appartient à un colombophile, soit vilipendé et affublé de tares telles que « transmetteur de maladie à l’homme » et « destructeur de monuments » s’il se trouve à « errer » dans la ville ? De manière identique, si nous avions pris le cas du chat libre, nous aurions pu voir que son statut peut lui aussi varier selon les situations. Par exemple, ce chat né de bonne famille, vivant auprès de ses maîtres, est considéré comme chat de compagnie. Les hasards ou autres accidents de la vie vont transformer son statut. S’il se perd ou est abandonné, il devient alors un chat errant. S’il est identifié, son propriétaire peut le retrouver par le biais de la fourrière ou grâce à une âme charitable. S’il n’est pas identifié, il devient alors « sauvage » et susceptible d’être « agressif » envers l’homme et donc représenter un danger. La loi prévoit qu’il est de la responsabilité du maire d’empêcher la divagation des animaux et de capturer ceux-ci et de les emmener en fourrière. A l’issue du temps de fourrière, ces chats sont soit confiés à une association de protection animale en vue de leur adoption,  soit euthanasiés. Les chats libres étant souvent peu sociables, ils ne peuvent, le plus souvent, être mis à l’adoption. Néanmoins, grâce à la pression des associations de protection, depuis 1999, le législateur permet que des regroupements de chats puissent vivre en liberté s’ils sont stérilisés et sous le contrôle d’une association[6].

Les mots employés pour capturer ces animaux expriment une forte violence — « dépigeonnisation » et « déchatisation » — et indiquent toutes les craintes qu'ils inspirent à l'homme. Ainsi, ces deux espèces représenteraient de multiples dangers pour l’homme dans « la jungle » qu’est la ville. On les retrouve côte à côte dans l’article 120 du règlement sanitaire préfectoral[7], élaboré dans les années 70, qui précise:

« Il est interdit de jeter ou de déposer des graines ou nourriture, en tous lieux ou établissements publics, susceptibles d'attirer les animaux errants, sauvages ou redevenus tels, notamment les chats ou les pigeons ; la même interdiction est applicable aux voies privées, cours ou autres parties d'un immeuble ou d'un établissement lorsque cette pratique risque de constituer une gêne pour le voisinage ou d'attirer les rongeurs.
Toutes mesures doivent être prises pour empêcher que la pullulation de ces animaux soit une cause de nuisance et un risque de contamination de l'homme par une maladie transmissible ainsi que de propagation d'épidémie chez les animaux ».

Cet article 120 « type » est ensuite décliné dans chaque département qui peut en développer le contenu. Pour exemple, une communauté d'agglomération en région parisienne[8] précise ainsi cet article :

« Protection contre les animaux errants, sauvages, ou redevenus tels.
Il est interdit de jeter ou de déposer en tous lieux et établissements publics, jardins, parcs, bois, promenades, cimetières, etc., des graines ou toute nourriture susceptible d’y attirer les animaux errants, sauvages ou redevenus tels, notamment les chats et les pigeons.
La même interdiction est applicable aux voies privées, cours ou autres parties d’un immeuble ou d’un établissement lorsque cette pratique risque de constituer une gêne pour le voisinage, d’attirer les rongeurs, ou de compromettre les parterres et plantations.
Les propriétaires d’immeuble et de tous les établissements publics ou privés ou leurs représentants doivent faire obturer ou grillager toutes les ouvertures susceptibles de donner accès aux rongeurs, aux chats et aux pigeons et de permettre la nidification de ces derniers.
Ces dispositifs sont tenus constamment en bon état d’entretien.
Toutes mesures doivent être prises pour empêcher que la pullulation de ces animaux soit susceptible de causer une nuisance ou un risque de transmission de maladies à l’homme ou à l’animal.
Les propriétaires d’immeubles et de tous établissements publics ou privés ou leurs représentants doivent faire procéder à la capture des pigeons et des chats errants en vue de les transférer dans les lieux autorisés ou de les détruire selon la réglementation en vigueur, sans que l’ordre public ne soit troublé et qu’aucun dommage ne soit causé à un tiers […][9]. ».

La lecture complète de cet article, en vigueur depuis seulement quarante ans, met clairement en évidence les peurs d’une société à l'encontre de ces animaux. S'appuyant sur ce texte, un grand nombre de villes ont donc tué sciemment et à outrance ces animaux partout où les autorités municipales sont en droit d’agir. Les exemples sont légion de villes qui, durant des années, ont fait capturer et euthanasier plus d’un millier de pigeons par an sans que s’ensuive la moindre décroissance du nombre de pigeons. Le nombre de nuisances comme celui des plaintes sont toujours restées constants. La récurrence des captures, pour un même nombre de pigeons, aux mêmes endroits, plusieurs fois par an, démontre l’inefficacité de la méthode. Un véritable marché s’est constitué autour de la destruction des pigeons. Les entreprises chargées de ces destructions d'animaux représentent des milliers de salariés au sein de multinationales ou de sociétés familiales et constituent un véritable lobby communément appelé « les entreprises 3 D », pour Dératisation, Désinsectisation, Désinfection… et à l'occasion, Dépigeonnisation ou Déchatisation. Les captures de pigeons génèrent une rente pour ces entreprises qui interviennent régulièrement aux mêmes endroits pour un même nombre de pigeons à tuer. Les coûts financiers élevés pour la collectivité et, surtout, l’opposition de plus en plus vive de nombreux habitants choqués par la violence de ces captures, poussent les élus et les techniciens à trouver d’autres solutions.

De plus, une telle vision se trouve invalidée par ces mouvements complexes que sont les dynamiques de population des espèces. Force est de constater que toutes ces villes se retrouvent aujourd'hui dans une impasse. Ces trente années de tentative d'éradication systématique, ont au moins permis de démontrer qu’une telle gestion des animaux dans la ville ne résout en aucune manière les problèmes rencontrés.



III. Le pigeon des villes : un animal nuisible, pour qui ?

Dans ce chapitre, nous présentons les positions des divers acteurs concernés par la présence des pigeons : aussi bien celles des élus que des techniciens des villes, celles du législateur, des sociétés de dépigeonnisation, des scientifiques, des associations de protection animale et des citoyens.

Les pigeons bisets sont souvent identifiés à des animaux nuisibles par les élus et les services municipaux notamment. Par exemple, sur la page internet d’une ville de province[10], la rubrique « animaux nuisibles » comportent les pigeons, les rats, les termites, les cafards. Sans vouloir stigmatiser telle ou telle ville, il est intéressant de noter comment une ville peut mettre sur le même plan le caractère nuisible des animaux, en confondant critères de santé publique et de propreté[11]. Si chacun peut comprendre la nécessité de mener des actions de protection de l’homme face au développement de ces espèces, comment peut-on mettre sur le même plan les nuisances occasionnées par les pigeons et ces insectes ? Concernant les pigeons, notons en effet :
  • Absence d’épidémie (quelques cas, certes, mais non mortels et en moins grand nombre que la toxoplasmose, par exemple) ;
  • Des bâtiments salis par les fientes, mais pas de dommages importants. L’acidité des fientes de pigeons est forte, mais nos cathédrales abritent les pigeons depuis plus de mille ans sans que la pierre soit attaquée comme elle l’est depuis ces dernières années (d’autres molécules doivent agir…). Bref, nous sommes loin des difficultés rencontrées avec les termites.

Le caractère nuisible du pigeon n’est jamais démontré ; tout au plus est-il affirmé de façon péremptoire, et sans autre référence que l’étude des années 50, qu'il transmet des maladies à l'homme.

Voyons maintenant comment le pigeon des villes est considéré par le législateur. En 2005, une députée s’adresse au ministre de l’Ecologie[12] afin « d’introduire les pigeons des villes sur la liste des animaux nuisibles ». La réponse du ministère est sans équivoque : « Le préfet détermine si une espèce doit être classée nuisible, généralement pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles […]. Le pigeon biset […] n’est pas à l’origine de dégâts significatifs aux cultures et son inscription sur la liste des animaux nuisibles n’est pas justifiée […]. Le contrôle ou la prohibition de certains moyens de capture qui caractérise la police de la classe ne s’applique pas en ville où les pigeons peuvent être cependant à l’origine de nuisances diverses ». Le ministère préconise donc l’application du règlement sanitaire départemental type qui « interdit la distribution de nourriture aux pigeons » et d’autres moyens qui « consistent à l’élimination des oiseaux […] dès lors qu’ils ne constituent pas de mauvais traitements à animaux ». Il est intéressant de noter que cette réponse du ministère de l’Ecologie est un copié/collé de la réponse faite par le ministère de l’Agriculture en 1998 à une question d’un sénateur sur le même sujet[13]. Le pigeon biset n’est donc pas un oiseau classé nuisible au sens de la définition réglementaire, prévue à l’article L 427-7 du code de l’Environnement. Il n'est pas inscrit sur la liste nationale des animaux nuisibles pour toute la France[14].

Du côté des scientifiques, la question du pigeon des villes intéresse peu les chercheurs. En effet, cet animal est considéré comme hybride, car issu de la domestication et retourné à l'état sauvage. De ce fait, souvent, il n'est pas assimilé à la nature et donc peu digne d'intérêt pour les scientifiques.

Il faut attendre la fin des années 1980 pour qu'un chercheur tente une régulation éthique des pigeons dans une ville. Sous la direction de Daniel Haag-Wackernagel[15], membre du département de la santé publique de l’université de Bâle, et en partenariat avec la SPA de Bâle, un projet « Action pigeons » est mis en place. Le but de l’action est de mettre au point une méthode de régulation des effectifs de pigeons durable et conforme aux principes de la protection des animaux. L’idée maîtresse tient dans la construction de colombiers contrôlés. Un garde est chargé de l’entretien des pigeonniers, de leur nettoyage régulier, du contrôle des animaux, et, si nécessaire, du remplacement des œufs par des œufs factices. En même temps, la population a été avisée que le nourrissage des pigeons fait plus de mal que de bien aux pigeons, le slogan étant : « Protéger les pigeons, c’est ne pas les nourrir»[16]. Dans un premier temps les résultats ont été jugés encourageants mais, au bout de plusieurs années de l’avis même du chercheur, les pratiques de nourrissage avaient repris de façon importante.

En France, depuis 2005, un projet de recherche intitulé « Le pigeon en ville, écologie de la réconciliation et gestion de la nature », regroupe différentes disciplines et acteurs associatifs[17]. Parallèlement, des chercheurs, comme Philippe Clergeau et Nathalie Blanc, travaillent plus largement sur la présence de la faune et de la flore en ville[18]. Certains chercheurs mettent en avant une nouvelle classification tripartite : les espèces nuisibles, indésirables et invasives. Comme le précise Philippe Clergeau : « Une espèce indésirable correspond à une notion de perception et de jugement des gens. Une espèce est indésirable du fait que notre culture ne l’apprécie pas, car elle cause des dommages qui sont perçus comme importants par les gens »[19]. Le pigeon ferait ainsi partie de cette catégorie des indésirables. A la différence des « nuisibles », auxquels correspond un statut juridique, les « indésirables » répondent à une définition sociologique. En cela, cette proposition est séduisante. Pour autant, comme toutes les tentatives de classification, celle-ci se heurte à la réalité du terrain. En effet, si le pigeon est considéré comme indésirable à cause des nuisances générées par ses fientes, que dire du chien dont les crottes  causent aussi de nombreuses nuisances ? Est-il cependant considéré comme un animal indésirable ? Par ailleurs, le pigeon est-il indésirable aux yeux de l'ensemble des citoyens de la ville, d’une simple minorité d’entre eux ou bien des seuls services municipaux ?

Dans les études que nous avons réalisées à la demande des villes[20], nous nous sommes penchés sur le seuil d’acceptabilité des habitants de la ville étudiée concernant la présence des pigeons. Nos résultats ne sont pas issus d’un sondage précis, mais ont été obtenus à partir de questions portant sur les personnes se plaignant des nuisances dues à la présence de pigeons ; les riverains concernés ou pas par les nuisances ; les nourriciers de ces oiseaux. Or, si une minorité très réduite dénonce le pigeon en tant que tel comme responsable de nuisances et de dangers[21], la grande majorité des habitants estiment que les pigeons « ont aussi le droit de vivre », « qu’ils ont toujours habité avec nous ». Pour autant, si les habitants ne veulent pas de mal aux pigeons, ils ne veulent pas subir leurs salissures.

Dans de nombreux cas, nous assistons, d'un côté, à une dramatisation de la présence des pigeons et, de l'autre, à une incapacité à régler de manière pérenne de réelles gênes pour les habitants. Le pigeon biset représente-t-il au moins un danger sanitaire pour l'être humain ? De récentes études montrent que si un nombre important de pigeons est positif à l'ornithose, seule une minorité excrète cet agent pathogène dans les fientes. De plus, les souches identifiées sont peu virulentes. Ces informations permettent aujourd'hui d'affirmer « que les risques sanitaires liés aux pigeons sont extrêmement faibles »[22].

Voyons maintenant quelle est la position des associations de protection animale vis-à-vis du pigeon des villes. Officiellement, l'ensemble des associations refusent les captures à but d'euthanasie et préconise l'installation de pigeonniers ainsi que la distribution de graines stérilisantes. L'objectif serait donc de regrouper les colonies de pigeons autour des pigeonniers afin de réduire le nombre d'oiseaux grâce à leur contraception. Dans les faits, très peu d'associations sont investies sur le terrain dans la défense des pigeons. Seule la SPOV, Société Protectrice des Oiseaux des Villes, créée dans les années 90, a une activité à la fois de refuge et de référent, essentiellement en Ile-de-France. Aucune autre association de dimension nationale n'est investie dans le champ de la protection des pigeons. La protection des pigeons est donc réalisée sur le terrain par des nourriciers[23], de manière individuelle et sans coordination ni cohérence programmatique. Chacun fait ce qu'il peut en fonction des moyens qu'il a : distribution de graines ou de pain, distribution à plusieurs endroits à des petits groupes de pigeons ou concentrations de pigeons à un endroit, etc. En cela, la protection de ces animaux peut paraître particulièrement fragile, symbolisée par une petite dame âgée distribuant de la nourriture aux pigeons. Cependant, nos observations de terrain montrent une situation plus complexe. En effet, si le nourrissage compassionnel lié à un attachement particulier aux pigeons existe, il n'est pas pour autant le seul type de nourrissage identifié. Daniel Haag-Wackemagel a mis en avant un nourrissage « actif par le plaisir et pour des raisons religieuses ». Dans la culture et dans la religion musulmanes[24], une place importante est donnée au pigeon, qui aurait sauvé le prophète des païens. Nous retrouvons ce même rapport privilégié dans la religion bouddhiste. Des démarches auprès des membres de ces communautés font apparaître que ce nourrissage correspond à la fois à une offrande ritualisée et à une éducation  civique et familiale : respecter un être errant et lui offrir de la nourriture. Il ressort que, pour une partie de la population au moins, cet animal non seulement n'est pas nuisible mais doit continuer de pouvoir  vivre à nos côtés.

Au sein de la cité, il est toujours fait état des plaintes d'habitants subissant des nuisances liées à la présence de pigeons. Par contre, les actions quotidiennes en faveur de ces animaux ne sont énoncées que pour rappeler ce fameux article 120 interdisant toute distribution de nourriture. On observe donc un écart important entre d'un côté les textes réglementaires, les préoccupations des élus, les demandes d'une minorité de la population, et, d'autre part, l'action quotidienne de différentes personnes en faveur de ces animaux[25]. Comme le précise Vanessa Manceron : « Au cœur de ces conflits se jouent tout d’abord des questions de catégorisation et de définition. Il n’est plus d’animaux que l’on pourrait classer une bonne fois pour toutes dans la catégorie des nuisibles, du gibier ou du grand prédateur, sans que ces définitions ne donnent lieu à des débats contradictoires, ici ou ailleurs. L’émergence de définitions contre-intuitives comme celle de “nuisible utile“ ou celle de “prédateur protégé“ résulte de ce processus qui peut conduire à l’hybridation de catégories historiquement exclusives les unes envers les autres. Certains animaux acquièrent ainsi une double identité […] »[26]. Jugé nuisible par certains et comme devant être protégé par d’autres, le pigeon sert de révélateur des rapports conflictuels entre les différents acteurs de la ville.

Emettons ici une hypothèse : le pigeon ne représente-t-il pas pour ses détracteurs tout ce que l’urbain craint de la nature ? Le chien ou le chat de compagnie sont vaccinés et sous notre contrôle. Cette nature domestiquée nous rassure. Le pigeon, quant à lui, autrefois domestiqué mais retourné à l’état semi-sauvage, nous ramène à l’inconnu, à la peur de l’autre, à l’envahissement. D’autant que, contrairement à d’autres espèces d’oiseaux fréquentant la ville, les pigeons se concentrent en groupes plus ou moins importants, provoquant parfois un sentiment d’envahissement. Plus encore, il est un des seuls oiseaux à occuper le même espace urbain que l’homme. Habitué à l’être humain, il ne respecte pas les distances avec lui.

Notre expérience de terrain nous apprend que la situation s'inscrit aujourd'hui dans une réalité contrastée et  paradoxale. D'un côté, de nombreuses villes poursuivent les captures à but d’euthanasie, tout en sachant qu'elles ne servent à rien, de l’autre, certaines villes, faisant le constat d’échec de cette méthode, sont à la recherche d'autres outils de régulation. Ainsi, à la demande de l'Association des maires des grandes villes de France, une étude réalisée sur différentes espèces oiseaux montre que les captures ont « une efficience limitée »[27]. Ou encore, sous l'égide du Conseil régional d’Ile de France, un colloque dont objectif affiché était le développement d'une écologie de la réconciliation concernant la gestion de la nature en ville, a été organisé le 8 novembre 2011[28]. A l'opposé des méthodes destructrices, la mise en place d'outils de gestion éthique envers les animaux de la ville nécessite un changement radical de nos comportements. Il va falloir agir et réagir autrement, consommer et travailler différemment. Le choix politique consistant à utiliser des méthodes alternatives à celles qui sont actuellement en vigueur encouragera le développement de nouveaux métiers permettant de faire rimer écologie et éthique avec économie.



IV. Sortir de l'impasse : de l'animal nuisible à l'animal accepté

Nous voyons bien que la question de l’animal dans la ville touche tout autant la relation du citadin à la nature  que la relation entre les citadins. Plusieurs séminaires, tel que le Symposium du Grand Lyon en 2009, traitent du « Vivre ensemble dans les villes : problèmes nouveaux, solutions inédites » avec comme thématique des débats « Quand bêtes et plantes relient les citoyens » ou quand « [les] hommes, [les] animaux […] apprennent à vivre ensemble ».

S’il nous faut vivre ensemble —  humains, animaux et végétaux —, il nous faut apprendre le partage limité de l’espace urbain. Cohabiter signifie alors apprendre à gérer les conflits tout autant que les relations affectives, développer et maîtriser les lieux de rencontres. Les citoyens doivent tout à la fois s’approprier collectivement leur ville tout en y trouvant leur propre espace individuel, et accepter la présence de l’autre dans la diversité humaine et animale. Pour Vinciane Despret, il est possible de résumer notre histoire récente en trois étapes : « On a d’abord considérablement exterminé, ensuite on a dû apprendre à protéger, maintenant il s’agit de découvrir comment cohabiter ». Il ne s’agit donc plus « seulement de protéger des animaux mais de développer des initiatives qui expérimentent avec d’autres vivants, d’autres manières d’habiter la ville et de la ré-humaniser […] [elles] [mobilisent] des non humains d’une manière qui relie un peu mieux les humains »[29]. Partant de cette analyse de la ville en devenir, nous proposons, à partir de ces deux animaux commensaux de l’homme — les chats et les pigeons — de mener des initiatives dont les deux objectifs principaux sont la réduction des tensions liées au partage des espaces entre les hommes et les animaux, d’une part, et le développement des liens sociaux autour de la question de l’animal, afin de mobiliser les énergies et créer des synergies autour d’actions thématiques, d’autre part.

La relation entre les humains et les animaux et la protection de ces derniers sont certes au fondement de cette démarche, mais celle-ci est gouvernée par un objectif que l’on pourrait synthétiser de la façon suivante : « Le bien vivre ensemble l’homme et l’animal et entre les hommes, chacun à sa place avec ses différences ». La question de l’animal permet de montrer qu’au sein de la cité, l’autre, cet inconnu, peut être une chance, un atout si l’on apprend à le connaître et si on lui donne sa place. Comme le souligne Anne-Caroline Julliard, « le travail sur le pigeon en ville est à la fois une problématique écologique et sociale»[30].

V. Pour une gestion raisonnée, durable et éthique

Le pigeon, qui était à l’origine de discordes, devient de fait un objet de médiation nécessitant de prendre en considération autant le point de vue des défenseurs de ces animaux que les demandes des personnes victimes de nuisances.

C'est pourquoi, nous proposons aux villes des conventions permettant d'organiser ce « vivre ensemble » en développant tout à la fois des espaces dédiés aux animaux (pigeonniers et mobilier urbain spécifique aux chats libres) mais aussi des espaces partagés pour des rencontres entre les hommes et les animaux. Ces conventions couvrent quatre champs d'activité :
1.       Permettre un nourrissage raisonné
Vilipendés par certains, les nourriciers ont besoin dans bien des cas d’aide et d’assistance. Les nourriciers de chats, quant à eux, contribuent aujourd’hui à organiser une présence sereine des chats sur la ville et jouent en cela un rôle de mieux en mieux accepté. Par contre, les nourriciers de pigeons subissent l'hostilité d'une partie des citadins et se sentent de ce fait rejetés[31]. Il nous semble donc indispensable de les connaître et de les amener à développer un nourrissage raisonné et limité, plutôt que de continuer à les marginaliser sans aucun résultat pour la collectivité.
2.       Aménager des espaces dédiés aux animaux
Aujourd’hui, un des facteurs de présence stable de ces animaux est le ou les nourriciers. Un site de nourrissage disparaît à un endroit, un autre se constitue ailleurs. Quelquefois, dans une même cité, deux nourriciers donnent à manger à un même groupe de chats ou de pigeons sans se connaître. L’autre facteur de sédentarisation des pigeons est l’habitat disponible. Nous proposons de structurer les sites de vie des chats et des pigeons de façon progressive et participative, en permettant de donner aux animaux une place pérenne et acceptable par les riverains. Les chats libres qui vivent sur les sites doivent être stérilisés et en bon état sanitaire ; ils doivent donc être régulièrement suivis. Le pigeonnier, quant à lui, est un mobilier urbain qui regroupe quelques dizaines de pigeons ; c’est aussi un outil de communication auprès des habitants. Rien n’empêche d’installer les pigeons dans des structures nécessitant moins de maintenance (où les pigeons ne peuvent que se percher et non couver), ou d'aménager des « pigeonniers naturels », c’est-à-dire des endroits où les pigeons ne dérangent pas l’humain, de façon à obtenir une répartition spatiale plus adaptée aux situations rencontrées.
3.       Aborder la question de l’animal avec les enfants
Nous proposons de fournir une mallette pédagogique aux centres de loisirs afin de traiter des questions de citoyenneté à partir de l’animal : respect de l’autre, celui qui n’est pas comme moi, connaissance de l’étrange ou l’étranger. Nous contribuons ainsi à la connaissance des comportements de ces animaux, tout en faisant participer les enfants à la construction de nouveaux sites pour les chats ou les pigeons. Ces actions s’inscrivent dans le cadre d’une participation des enfants à la vie de leur ville : une porte ouverte sur la citoyenneté.
4.       Communiquer autour des engagements de la municipalité et des responsabilités individuelles des citoyens
La mise en place de bonnes pratiques se réalise avec des échanges et une réciprocité entre la mairie et les habitants : articles dans le journal municipal et organisation de réunions publiques, notamment.

Cette démarche innovante repose sur une opérationnalité respectueuse des animaux et sur un travail de médiation sociale et citoyenne. La médiation sociale est officiellement définie « comme un processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, à travers l'organisation d'échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose »[32]. Le préalable à la médiation est donc de reconnaître qu'on a affaire à un conflit de valeurs et non à des comportements « anormaux » qu'il faudrait modifier ou interdire. Il n'y a pas « celui qui a tort » et « celui qui a raison ». La médiation accueille le désordre. Comme tout médiateur, notre rôle est alors celui d'un passeur, celui qui explique à l'autre et vice versa. Nous sommes là pour rétablir les liens, pour faciliter la compréhension entre les différentes parties, pour dissiper les malentendus. Notre objectif majeur est de créer du lien social, à partir de l'animal, au service de la cohésion sociale. Ce faisant, nous donnons un statut de fait à ces animaux, dans un espace qui leur est dédié, du mobilier adapté, et des échanges suivis avec les riverains.


Nous avons tenté, dans cet article, de montrer comment, dans nos villes en France et en Europe, les pigeons et les chats peuvent servir de modèle pour modifier notre comportement à l’égard de l’ensemble des animaux. Ailleurs, dans d'autres pays, selon les territoires, ce sont d’autres espèces qui sont étiquetées nuisibles. Les éléphants, les singes, les phoques, les requins, etc. qui sont dits « nuisibles » aujourd’hui. Or, ce sont nos projets d’urbanisation ou d’exploitation qui les rendent nuisibles et permettent ainsi de les tuer, voire de les exterminer. Nous habitons un territoire certes immense mais limité : la Terre. « Il faut partager l’espace avec les autres espèces, aménager les habitats humains pour qu’ils accueillent le plus grand nombre d’espèces, au bénéfice également des sociétés locales. Les hommes font souvent une distinction entre espèces commensales et sauvages. Mais avec six milliards d’individus, notre propre espèce est omniprésente sur Terre : les habitats “naturels“ non modifiés par l’homme sont très rares, voire n’existent plus. L’écologie de la réconciliation permettrait au plus grand nombre possible d’espèces de devenir commensales. Réconcilier les habitats de l’échelle locale à l’échelle mondiale entravera l’extinction de masse en cours, mais aussi favorisera des systèmes économiques durables »[33].

Le pigeon et le chat sont, parmi les animaux libres et visibles, les deux espèces que nous côtoyons le plus dans nos villes françaises et européennes. Pour nous, ces animaux peuvent servir « à approfondir la conscience écologique en milieu urbain en devenant le symbole de la reconnexion des citadins avec la nature »[34]. A la place de toute classification par trop réductrice, nous proposons un statut de fait des animaux commensaux de l’homme. Ce nouveau statut est non seulement possible si la volonté politique veut bien s’y employer, mais il est aussi indispensable pour permettre la construction de ce « mieux vivre ensemble » dans la cité moderne en construction. Choisir cette démarche innovante permet de ne plus regarder le pigeon ou le chat à travers le prisme des nuisances, mais de les considérer comme faisant partie intégrante de notre milieu urbain.





[1] Nathalie Blanc, L’animal dans la ville, Paris, Odile Jacob, 2000.
[2] E. Givois, « Les pigeons dans Le Figaro de 1861 à 1942 », « Histoire et médias », mémoire Master, 2009.
[3] C. Baud, « Chiens et pigeons en milieu urbain : population, pollution, solutions », Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort , doctorat vétérinaire n° 79, 1995.
[4] P. Lépine, « Sur L’infection des pigeons parisiens par le virus de l’ornithose », avec V. Sauter, Bulletin de l’académie de médecine, 1951.      
[5] Le Parisien, 12 décembre 1964.
[6] Article L211-27 du code rural :
« Le maire peut, par arrêté, à son initiative ou à la demande d'une association de protection des animaux, faire procéder à la capture de chats non identifiés, sans propriétaire ou sans détenteur, vivant en groupe dans des lieux publics de la commune, afin de faire procéder à leur stérilisation et à leur identification conformément à l'article L. 212-10, préalablement à leur relâcher dans ces mêmes lieux. Cette identification doit être réalisée au nom de la commune ou de ladite association.
La gestion, le suivi sanitaire et les conditions de la garde au sens de l'article L. 211-11 de ces populations sont placés sous la responsabilité du représentant de la commune et de l'association de protection des animaux mentionnée à l'alinéa précédent.
Ces dispositions ne sont applicables que dans les départements indemnes de rage. Toutefois, sans préjudice des articles L. 223-9 à L. 223-16, dans les départements déclarés officiellement infectés de rage, des dérogations peuvent être accordées aux communes qui le demandent, par arrêté préfectoral, après avis favorable du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires selon des critères scientifiques visant à évaluer le risque rabique. »
[7] www.legifrance.gouv.fr consulté le 09 août 2012.
[9] les auteurs de l'article ont mis en italique les rajouts effectués par les responsables de l'agglomération montrant ainsi comment chaque collectivité à partir d'un tronc commun peut inscrire son action dans une démarche plus ou moins virulente vis-à-vis des animaux concernés.
[11] Notre article n’a pas pour objet de débattre sur le bien fondé des destructions de rats, de cafards ou de termites mais de fournir des éléments de réflexion sur l’aspect subjectif du caractère de nuisible. Ainsi historiquement, le rat représente dans notre inconscient collectif la peste. Les campagnes de dératisation, quelle qu’en soit l’utilité réelle ou supposée, demeurent une obligation pour les maires et les bailleurs. De même, la prolifération de cafards et autres blattes ou puces, pose des problèmes réels de salubrité publique. Par ailleurs, la prolifération des termites génère des dégâts considérables sur les charpentes de bâtiments.
[12] Question de  madame Bérengère Poletti (Union pour un Mouvement Populaire - Ardennes) à monsieur Serge Lepeltier publiée au JO du  22 mars 2005,  p. 2872
[13] Question du sénateur Jean-Paul Delevoye, N° 07638 publié au JO du Sénat du 16 avril 1998 p. 1189 et réponse du ministère de l’Agriculture publié au JO du Sénat du 09 décembre 1999, p. 4046.
[14] Cette liste comprend à ce jour 18 mammifères et 6 espèces d’oiseaux : corbeau freux, corneille noire, étourneau sansonnet, geai des chênes.
[15] Daniel Haag-Wackernagel : Le pigeon. De l’oiseau sacré de la déesse de l’amour au pigeon des villes, édition Schwabe, Bâle, 1998 (en allemand).L’ouvrage donne un aperçu de l’histoire des relations entre les humains et les pigeons dans l’histoire des civilisations.
Richard F. Johnston & Marian Janiga: Feral Pigeons, Oxford University Press, Oxford 1995. L’ouvrage est une compilation des résultats scientifiques qui ont été obtenus au sujet des pigeons des villes.
[16] Source : http://www.protection-animaux.com/publications/animauxsauvages/infothek/texte/mb_tauben., le 26 août 2012
[17] Ce groupe est composé de chercheurs provenant de différentes disciplines :
Plusieurs laboratoires du Muséum national d'histoire naturelle (Conservation des espèces, restauration et suivi des populations ; Eco-anthropologie et ethnobiologie ; Archéo-zoologie et archéo-botanique),
Laboratoire d'écologie et évolution/CNRS, Université Pierre et Marie Curie Paris;
Laboratoire d'écologie systématique évolution/ Université Paris-Sud 
Laboratoire d'éthologie et cognition comparée/  Université Paris Ouest Nanterre la Défense;
Anthropologie sociales et culturelles institut des sciences humaines et sociales/Université de Liège
[18] Programme national (ANR « Villes durables ») en codirection Philippe Clergeau  N. Blanc (LADYSS) : Evaluation et référentiel sur les Trames Vertes Urbaines http://www.trameverteurbaine.com
[19] « L'animal en ville : nuisible,  indésirable ou invasif », dossier d'économie urbaine, travail collectif de l’Ecole des ingénieurs de la ville, Paris,  2010.
[20] Depuis 2003, date de création de notre association AERHO, nous effectuons environ trois études par an dans différentes villes. Au  total, notre expérience s'étend sur près d'une trentaine de villes dont 90 % sont situées en Ile-de-France. Nos études visent à identifier les sites de regroupement de pigeons et à évaluer le nombre d'oiseaux, d’une part, et à recueillir des données sur les sentiments des citadins à l’égard des animaux afin d'évaluer les possibles tensions, d’autre part. A partir de ce travail, nous préconisons différents modes de régulation éthique aux responsables des collectivités territoriales. Source le site Internet de AERHO à la page Références.
[21] Dans toutes les villes étudiées, nous avons communication des plaintes et autres signalements écrits des habitants concernant les nuisances occasionnées par la présence de pigeons. En moyenne, et ce quel que soit le nombre de pigeons sur la ville, les signalements rapportés au nombre d'habitants sont de l'ordre de un signalement de nuisances pour 5000 habitants.
[22] J. Gasparini, « Le pigeon en ville », Laboratoires Ecologie et Evolution, Université Pierre et Marie Curie, Paris, Guide Natureparif, 2011.
[23] Nous employons le terme « nourricier » et non « nourrisseur ». En effet, la définition du nourrisseur est plus liée à « celui qui engraisse des animaux au niveau de l'élevage » alors que le nourricier est celui qui « élève un enfant qui n'est pas le sien ».
[24] D. Boubaker, Recteur de l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris, « Les Animaux » : « L’Histoire de la vie (Sîra) du Prophète de l’Islam rapporte, un épisode particulièrement cher aux musulmans. Il est dit que lors de son émigration vers Médine, celui-ci dut avec Abû Bakr, trouver refuge dans une grotte. Ses poursuivants polythéistes voulurent y pénétrer, mais découvrant une toile qu’une araignée (Ankabût) venait de tisser et un nid que des pigeons venaient de construire, ils repartirent. Ce stratagème induisit les ennemis du Prophète dans l’erreur et préserva sa vie et celle de son compagnon ». Source site internet http://www.mosquee-de-paris.net/Conf/Theologie/II0303.pdf
[25] Pour Paul Louis Colon étudiant en Anthropologie sociales et culturelles à l’Université de Liège : « le nourrissage est un acte politique dans le sens où il constitue la revendication en acte d'une autre forme de relation à l'animal en ville, que celles qui sont admises ou proposées par les autorités locales, Guide Natureparif, 2011.
[26] V. Manceron et M. Roué, « Les animaux de la discorde », Ethnologie française, 2009/1 Vol. 39, p. 5-10. DOI : 10.3917/ethn.091.0005.
[27] « Enquête sur les nuisances causées par la présence de corbeaux, corneilles et autres oiseaux dans les grandes villes », Association des maires des grandes villes de France, n° 200, 4 avril 2004.
[28] « Le pigeon en ville », colloque organisé par le groupe de recherches interdisciplinaires et interprofessionnelles sous la responsabilité d’A-C. Julliard, Muséum national d'Histoire naturelle de Paris – Guide Natureparif, 2011.
[29] V. Despret « Echanges sur le vivant en ville », Symposium du Grand Lyon, 2009.
[30] A-C. Julliard, « Le pigeon en ville », Guide Natureparif, 2011.
[31] Pour Paul Louis Colon (Anthropologie sociales et culturelles institut des sciences humaines et sociales/Université de Liège) « Ce rejet peut-être vécu comme analogue à celui qui concerne les pigeons et renforcer ainsi leurs relations avec cet oiseau », Guide Natureparif, 2011.
[32]  Définition européenne établie en 2000, par 43 experts de 12 pays européens.
[33] M. L. Rosenzweig, « Il faut partager l’espace avec les autres espèces », professeur d’écologie et de biologie évolutive à l’université d’Arizona, le Monde, le 14 février 2004.
[34]  Z. Skandrani, « Le pigeon en ville », CERSP, Muséum national d'Histoire naturelle, Guide Natureparif, 2011.


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