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jeudi 27 mars 2014


Axes de recherche pour une (re)construction de la mémoire du mouvement de défense des animaux.

Enoncé synthétique de la recherche
Les associations de protection animale se sont constituées au milieu du 19ème siècle en France. Au sortir de la Première guerre mondiale puis à plus fort titre en ces années trente, elles connaissent une transformation radicale.
Elles passent de l’état de sociétés savantes dont l’histoire est aujourd’hui connue à celui d’associations chargées de mener une propagande en faveur de la protection animale  et de gérer des structures d’accueil pour les animaux. Cette mission nouvelle leur vaut de mener des missions de service public en lien avec l’Etat puis les collectivités locales.

                                       

Il s’agira d’étudier le rôle des réseaux et de certains individus qui se recrutent indifféremment à la gauche comme à la droite de l’échiquier politique dans la mise en œuvre de ces missions nouvelles.  On analysera à ces fins les cadres du mouvement, ses structures et ses relations avec les pouvoirs publics et la société en  s’interrogeant sur les enjeux philosophiques et éthiques majeurs qui sous-tendent son action.

Axes de recherche
La question animale interroge sur les relations ambivalentes de l’homme à l’animal : l’animal « utile » pour sa chair, sa fourrure, ou l’animal « nuisible », tueur, parasite, ou encore l’animal « ami », substitut à la famille en certaines circonstances. Ces réflexions intellectuelles sont anciennes. Pour R. Delort, dans la présentation de son livre, « Les animaux ont une histoire », « Pendant un bon milliard d’années, les bêtes se sont passées des humains. En revanche, dès son apparition sur Terre, l’homme n’a jamais pu vivre sans les bêtes (…) »[1]. La question animale participe de la socialisation de l’homme et ne constitue donc pas une question secondaire. Au long des siècles, elle soulève passions et controverses. Selon les lieux, les périodes, telle espèce est sacralisée ou diabolisée. Le chat en est l’exemple le plus criant au travers de ses diverses représentations : tantôt bénéfique, comme dans l’antiquité, soutenue probablement par l’utilité de sa lutte contre le rat, tantôt maléfique, considéré comme perfide, cruel, instrument de sorcellerie[2].

C’est dans ce cadre que la notion de protection animale est apparue et s’est développée, sans organisation spécifique. Le concept de protection des animaux est récent. Il émerge au cours du 19ème siècle, en premier lieu en Grande-Bretagne et s’étend à l’Europe. Il s’inscrit en réponse à la violence de la société de l’époque[3]. En cela, la protection animale est partie intégrante de l’histoire sociale. L’objet de la protection animale « n’est pas de remettre en question le principe de l’exploitation (animale), mais avant tout d’en adoucir les modalités (…), le trait essentiel du concept de protection est que l’on protège par définition le faible »[4]Il est donc nécessaire de protéger l’animal, le « frère inférieur »[5]. Cette logique s’inscrit dans les pratiques des philanthropes[6]. En cela, la protection animale, appelée zoophilie à l’époque, se veut une branche de la philanthropie participant à la réforme sociale en améliorant l’homme.

Les premiers protecteurs des animaux des années 1850 en France, sont pour la plupart des gentilshommes, membres actifs de sociétés de bienfaisance ou d’assistance en faveur des déshérités. Après la création de la première société de protection à Londres, le mouvement se structure dans les pays européens. En France, la création de la SPA de Paris a lieu en 1845, d’autres suivent dans certaines grandes villes de province et dans les colonies. Leur objectif consiste à soulager la souffrance des animaux tout en faisant évoluer les mentalités et les pratiques des hommes à leur égard. Acceptant l’idée d’une classification entre animaux utiles et nuisibles, les associations ne développent leur action qu’en faveur des animaux de la première catégorie. Dès leur création, les organisations de protection animale ont une vision spéciste au sens utilisé par Peter Singer, puisqu’elles acceptent l’idée d’une discrimination fondée sur l’appartenance à une espèce et refusent d’étendre « le principe fondamental d’égalité, de considération aux membres des autres espèces »[7].


Avec le vote de la loi Grammont de protection des animaux domestiques en 1850, la SPA de Paris connaît un développement et une reconnaissance institutionnelle rapide[8]. Son objet social vise à protéger les animaux considérés comme utiles, à moraliser l’homme et à limiter ses actes de cruauté. Mais, dès 1880, l’émergence d’un nouveau modèle de protection animale, dite de sensibilité, axée sur le chien, puis le chat, génère de vives tensions au sein du mouvement protectionniste. La SPA de Paris s’enlise dans des crises profondes et durables. Jusqu’en 1914, elle ne compte que 3 000 à 4 000 sociétaires. Association revendiquant une couverture nationale, son action est cependant essentiellement centrée sur le secours aux chevaux dans Paris.
Au début du 20ème siècle, se développe une floraison de nouvelles associations locales et/ou thématiques, de revues ou de refuges agissant dans un esprit plus radical et plus activiste que la SPA de Paris. La plupart des militants de ces nouvelles organisations sont également adhérents, voire dirigeants de la SPA. Chaque partie y trouve ainsi son intérêt. La SPA demeure ainsi la société mère de toutes les sensibilités, tandis que les nouvelles associations se servent de la SPA de Paris et de ses réunions comme tribune et  base de recrutement. Les protecteurs, n’ayant pas une vision globale de leur environnement, inscrivent progressivement leur action dans le cadre sélectif de quelques espèces animales. Allant jusqu’au bout de cette logique, après la Première guerre, ils n’interviennent plus désormais que sur un thème spécifique : antivivisection, défense d’un type d’animal ou gestion d’un refuge. Cela perdure, voire s’accentue de nos jours.

Aujourd’hui, la question de la protection animale représente une centaine d’articles du code rural, prouvant ainsi l’importance du sujet dans des domaines aussi variés que l’hygiène, la propriété des biens ou encore le bien-être de l’animal. Malgré tout la protection animale et sa défense sont toujours considérées comme causes secondaires. Elles n’entrent pas dans le cadre des grandes causes et se trouve reléguée dans la rubrique bienfaisance et cause charitable. Paradoxalement, les français déclarent soutenir l’action des associations de protection animale à plus de 80%. Nous serions en quelque sorte en présence d’un phénomène social qui serait de l’ordre de l’individu mais qui n’aurait pas de débouchés sur le politique au sens premier du terme, à savoir sur les choix de la cité. Et pourtant, cette cause fut portée dans les années 1850 par de grands scientifiques, intellectuels et politiques et continue à susciter un engouement associatif.

Trois raisons expliquant cette classification en cause secondaire
Au stade actuel de notre travail, et de façon synthétique, trois raisons nous semblent expliquer cette classification en cause secondaire.

1.      La particularité des êtres à défendre
Toutes les causes défendues traitent des êtres humains :
-       de l’exploitation des salariés,
-       de la lutte contre l’alcoolisme,
-       de la protection de l’enfance,
-       de l’antiracisme et de la lutte contre le sexisme…
Seule la cause animale traite d’êtres vivants non humains.
Dans son étude sur le mouvement de protection des animaux aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, Robert Garner développe cette spécificité et montre comment certains protecteurs tentent de contourner cette problématique (programme grands singes). Les militants de la cause animale parlent au nom de victimes animales qui ne parlent pas et ne pourront jamais parler ni se révolter.
Comme en écho, le reproche est souvent lancé à l’encontre des protecteurs d’animaux : « Vous feriez mieux de vous occuper des hommes !»

2.      L’impossibilité d’une protection commune
Peut-on défendre de la même façon un chien et une mouche, un mammifère et un invertébré ? C’est le statut et l’usage de l’animal qui déterminent sa catégorie juridique. Protège-t-on un lapin de la même façon, suivant qu’il est un animal de compagnie ou un produit à consommer. Pour Florence Burgat, « le fait qu’il n’y ait pas de protection commune possible à tous les animaux est le reflet de ce morcellement (d’associations de protection) ».

3.      L’antagonisme entre amélioration de la condition humaine et amélioration de la  condition animale.
L’homme a toujours eu besoin de l’animal pour manger, se vêtir, travailler. Faut-il réduire l’exploitation animale ? Faut-il seulement réduire la souffrance qui en découle ? La condition humaine doit-elle impérativement s’améliorer par l’exploitation toujours plus importante des animaux et des ressources naturelles ? Existe-t-il un antagonisme fondamental entre amélioration de la condition humaine et le respect de la condition animale ?


Courants et sensibilités de ce mouvement
Ce sont là des questions éthiques et politiques. Elles interpellent les défenseurs de la cause animale. En fonction des réponses apportées par chaque militant, celui-ci s’identifie à l’un des courants reconnus aujourd’hui :
-       protection animale,
-       droits des animaux,
-       libération animale, voire égalité animale.
A l’intérieur de chaque courant, certains militants seront considérés comme réformistes ou radicaux.
Dans le cadre de notre travail, nous prenons en compte cette catégorisation. Tout comme Eric Pierre dans sa thèse, nous considérons que les pratiques protectionnistes  relèvent d’une plus grande complexité. Ainsi, il est possible de distinguer deux conceptions de la protection animale : la protection d’utilité et la protection de sensibilité.
Notre travail effectué sur le sujet, à ce jour, montre qu’il fallait aussi prendre en compte d’autres critères :
-       la ou les espèces défendues,
-       le rayonnement local ou national,
-       le type d’objectif poursuivi : action de terrain ou propagandiste ou encore contribution intellectuelle.

La situation se complexifie encore avec ce que l’on peut appeler le multicartisme. En effet, de nombreux militants sont membres d’une association de protection animale, responsables d’une structure liée aux droits des animaux, etc.

La notion de protection animale évolue au fil du temps et ne représente aujourd’hui qu’un groupe d’associations et d’acteurs en faveur des animaux. Les défenseurs de la cause animale représentent un mouvement bien plus large. Prenant en compte les mutations des associations, il nous semble donc nécessaire d’élargir notre travail à l’ensemble de ces acteurs, entre autres, pour comprendre les tensions entre associations, les différences programmatiques, et aussi les influences issues des débats transcourants.

Il ne sera alors plus question ici seulement des associations de protection animale au sens traditionnellement usité, mais de l’étude des associations s’occupant de la cause animale composées des structures se revendiquant de la protection animale, des droits des animaux, et de la libération animale.

Nous voyons bien, avant même une étude détaillée, la nébuleuse militante constituée autour de la cause animale.

Il nous semble pertinent d’étudier les différentes formes d’organisations passées et présentes d’un tel phénomène social et ainsi de participer à la construction d’une histoire sociale des associations de protection animale en France.

Notre mémoire de Master 1, intitulé « Associations et protection animale en France : 1910 à 1920 »[9], s’inscrivait dans la suite du travail de Eric Pierre[10], qui a étudié la SPA de Paris de sa création jusqu’au début du 20ème siècle. Notre premier travail a établi que le éléments de crise de la SPA avait alors induit une recomposition du mouvement protectionniste avec l’émergence de ces nouvelles formes d’organisations souvent plus axées sur des thématiques de défense d’une espèce. Face à ce mouvement, nous avions montré les tentatives de certains parlementaires et scientifiques sensibles à la cause animale qui tentent dans les années 1910 à 1912, sinon d’unifier, au moins de structurer ce mouvement par trop composite en établissant un lien programmatique acceptable par tous et donnant une vision globale de la protection des animaux. Le séisme causé par la Première guerre mondiale bouleverse les donnes. Ainsi durant le conflit, la protection animale en France a une activité à la fois très réduite sur le front, au point que ce sont des sociétés de protection britanniques qui se substituent aux françaises comme assistantes des autorités militaires françaises. A l’arrière, certaines associations disparaissent ou sont en sommeil. La SPA de Paris, traversée par de fortes tensions internes, est malgré tout une des seules associations de protection à intervenir à l’arrière : accueil d’animaux errants, conditions de transport du bétail, mais aussi sur le terrain plus symbolique de la remise de médailles aux animaux élevés au rang de héros de la nation pour avoir sauvé des soldats et ce avec le soutien des autorités militaires. Enfin, après guerre, comme pour achever un mouvement engagé dans les années 1880 et ayant généré crises et conflits, l’action des associations de protection se recentre sur la protection des chiens et chats avec pour corollaire le développement et la gestion de refuges. L’étude des associations de protection animale avant, pendant et après la guerre montre une mosaïque d’associations concurrentes. Chacune a ses thématiques privilégiées, son type d’animal à défendre. La fracture s’accentue entre défenseurs de la faune sauvage, qui se tournent progressivement vers la préservation de la nature, et les protecteurs des animaux de compagnie. Ces derniers, à défaut de conjurer les souffrances animales, développent de plus en plus leurs actions sur un registre anthropomorphiste. A la lumière de ce mémoire de master 1, il apparaît que la multiplicité des associations de protection correspond à une division constante, que les combats des uns ne sont pas les combats des autres et que peu d’organisations survivent à une ou deux générations de militants.

Dans notre travail de Master 2, nous avons poursuivi notre recherche sur l’histoire des associations de protection animale en France en  nous intéressant aux conditions de transmission de la mémoire et à l’influence exercée par les personnalités et réseaux qui animent ces organisations.

Un constat : une mémoire disloquée et d’une histoire confisquée
Nous avons pu mettre en évidence la faible transmission des souvenirs et l’oubli des référents historiques. Il nous a été nécessaire de comprendre les mécanismes de l’effacement et de l’oubli en vigueur durant les 80 premières années du mouvement protecteur. Les réseaux et leurs actions ont-ils une influence sur la mémoire collective ? Nous posons l’hypothèse que les référents sociaux de la protection animale ne se sont pas transmis dans la mémoire du mouvement protecteur.
                                            
Ce travail ayant pour objet d’ouvrir sur des pistes de recherche plus vaste, nous avons identifié les divers réseaux  investis puis désinvestis au fur et à mesure de l’histoire des associations de protection des animaux. Nous n’avons fait qu’effleurer la place et l’influence de groupes et de réseaux afin de valider notre hypothèse selon laquelle le mouvement protecteur est un lieu de rencontre, un carrefour d’influences idéologiques au 19ème siècle, pour devenir un carrefour d’intérêts individuels et économiques après la Première guerre mondiale.

Les conséquences : une absence d’identité commune entre protecteurs
Soucieux de déterminer l’impact de ces cohabitations et successions de réseaux sur l’absence d’une mémoire protectrice collective, nous avons étudié les différents groupes de pensée en interaction avec le mouvement protecteur. Les premiers éléments rassemblés dans ce travail introductif nous amenaient à considérer que cette confiscation de l’histoire était avant tout le produit d’une déliquescence idéologique progressive concomitante d’un repli des associations autour d’une thématique protectrice ou d’un refuge.

Dans toute organisation humaine, la perte de la mémoire collective induit des ruptures dans la transmission des informations entre générations des militants de cette cause. Préserver cette histoire de l'oubli est une nécessité également à l’égard des responsables politiques et de l’opinion publique de plus en plus sensibles aux questions environnementales et animales.

Notre recherche actuelle veut approfondir nos connaissances sur l’histoire des associations de protection animale en France et sur la place et le rôle des réseaux investis en son sein. La période étudiée est étendue jusqu’au 150ème anniversaire de la fondation de la première association de protection, la SPA de Paris. Un travail de recensement des associations de protection animale et de leurs écrits permet d’ouvrir à de nouvelles sources bibliographiques.

Ce travail d’historien participe aussi d’une volonté militante de contribuer à la (re)construction de la mémoire de ce mouvement de défense des animaux.

Trois hypothèses retenues
Nous posons en premier lieu l’hypothèse d’une modification radicale, dans les années 1930, du rôle et de la place des associations de la cause animale dans la société française. En effet, il nous semble important de comprendre comment elles passent de l’état de sociétés savantes à celui d’associations chargées de mener des actions ciblées en faveur des animaux.

Nous étudions non seulement les éléments constitutifs de cette transformation, son caractère progressif et pourtant non linéaire, mais aussi les formes d’organisation différentes qui vont alors se développer, les tensions et ruptures générées. Durant cette période, les acteurs et associations se limitent progressivement à la défense des chiens et des chats et se replient sur la gestion de refuges. Certains courants tentent alors de s’opposer à ce virage mais demeurent minoritaires. Nous montrons ici l’influence et le rôle joué par des courants féministes mais aussi par des hygiénistes et des hommes politiques. Le mouvement protecteur, qui participe du mouvement de réforme social du 19ème siècle en étant un véritable carrefour d’idéologies, devient alors un croisement d’intérêts individuels, économiques et politiques.

Nous posons en seconde hypothèse que si l’action des associations de la cause animale a permis de développer une sensibilité de l’ensemble de la société française envers les animaux, cette action a échoué à améliorer la condition animale.


Trois raisons peuvent expliquer cet échec.
- Le rôle dévolu aux associations par la société
Avec le développement des technologies modernes, l’exploitation animale sur les 150 années passées, loin de diminuer, n’a fait que s’amplifier. Nous montrons qu’il n’y a pas de recul de la violence, mais au contraire développement de cette violence. Déportée en périphérie, dans des espaces fermés, institutionnalisés, tels les abattoirs, elle s’éloigne de la ville, du peuple. Elle n’est plus visible mais elle existe toujours. Il n’y a donc pas déclin de la violence en tant que telle mais de ses expressions publiques.
Au moment où l’homme s’éloigne progressivement de la nature, où il s’urbanise, la société se protège de la vision de la mort directe. Pour rendre acceptable ces changements, il lui faut des trompes l’œil, des caches misères. N’est-ce pas un des rôles que la société française assigne aux associations de défense animale ? Dans ce cadre, les associations de la cause animale n’ont-elles pas pour fonction d’être des régulateurs moraux culpabilisant et responsabilisant sur les excès de l’exploitation animale ? En traitant seulement de la cruauté, les associations n’éludent-t-elles pas la question de l’exploitation animale pour se contenter d’une exploitation « respectueuse du bien être animal»?

- Le rôle  accepté par la majorité des associations
En parallèle à cette violence et à cette souffrance, nous analysons le rôle des associations de la cause animale, leurs réactions ou non réactions.


Nous étudions comment certaines de ces associations s’intègrent dans le cadre prédéfini par la société en assurant des missions de service public en lien avec l’Etat (lutte contre la rage) et les collectivités locales (fourrières). Dans le même temps, d’autres acteurs et associations font des choix différents. Si l’ensemble de ces structures se retrouvent pour mener ensemble certaines actions (lutte contre la chasse, fourrure, corridas), elles évoluent  au quotidien dans des mondes parallèles : le terrain pour les unes, l’intellectualisation et la propagande pour les autres.

- Une mémoire disloquée
Reprenant des éléments de notre DEA, nous montrons l’influence et les conséquences d’une perte de la mémoire, d’une rupture de la transmission dans les combats menés. Sans transmission des combats passés, sans retour d’expérience, comment poursuivre les actions et tracer de nouvelles orientations ?

La troisième hypothèse sous-tend un renouveau militant à partir des années 1960. Certains acteurs font alors un constat d’échec de l’action protectrice. Ils développent de nouvelles orientations, des perspectives programmatiques stratégiques dans le but de repositionner la cause animale sur l’échiquier sociétal dans un cadre autre que celui de la bienfaisance et de la compassion.

Nous étudions les rapprochements de ces courants avec les environnementalistes, mais aussi avec des mouvements politiques aussi divers que l’écologie politique et l’extrême droite.

De leurs côtés, sans lien structurel avec les associations, des intellectuels réinvestissent la cause animale avec une volonté de renouveau. Mais là encore, des rendez-vous sont ratés et ralentissent les processus d’une éventuelle recomposition. Sans faire une étude comparative entre la situation française et celle d’autres pays, il paraît intéressant d’examiner les évolutions que connaissent certains pays à l’instar des Etats-Unis et de la Grande- Bretagne depuis une vingtaine d’années.

Limiter le champ de la recherche
Le choix des thématiques s’inscrit donc dans le cadre de notre engagement militant et notre connaissance de ces thématiques. Pour autant, les thématiques retenues sont considérées par les défenseurs comme essentielles, car constitutives de la cause animale et / ou ayant suscité débats, tensions ou convergences. Nous proposons d’étudier comment ces thématiques sont traitées au long de l’histoire, et par quelles associations.

Nous avons ainsi sélectionné 6 thématiques :
-       la fourrière animale,
-       la vivisection,
-       les conditions de vie des animaux de batterie,
-       le traitement des animaux dans les abattoirs,
-       les jeux cruels et plus précisément la corrida,
-       la vie des animaux dans nos villes.

Nous sommes conscients du caractère subjectif de nos choix. Ainsi, par exemple, nous avons fait l’impasse sur la question de la chasse et avons privilégié la vie des animaux en ville. En effet, cette dernière thématique, si elle n’est pas nouvelle, est traitée aujourd’hui de façon réellement novatrice dans une France de plus en plus urbanisée., alors que la chasse ramène à une France rurale du passé.


Le travail réalisé à ce jour  nous amène à considérer que cette confiscation de l’histoire est avant tout le produit d’une déliquescence idéologique progressive concomitante d’un repli des associations autour d’une thématique protectrice ou d’un refuge. Affaire à suivre…





[1] R. DELORT, Les animaux ont une histoire, Paris,  Editions du Seuil, Points Histoire, 1993, 503 p.
[2] R. DELORTopus cité, p 426.
[3] Maurice AGULHON, «Le sang des bêtes : le problème de la protection animale en France au 19ème siècle », Si les lions pouvaient parler, Quarto Gallimard, 1998, p. 1198.
[4] Florence BURGAT, La protection de l’animal, édition PUF, Que sais-je, 1997, p. 10.
[5] Terme communément employé par la protection animale à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème  siècle.
[6] C. BEC, C. DUPRAT, J.-N. LUC, J.-G. PETIT, Philanthropies et politiques sociales en Europe. Paris, Anthropos, 1994, 233 p.
[7] Peter SINGER, La libération animale, Paris Grasset 1975.
[8] Elle est reconnue d’utilité publique dès 1860.
[9] D. LAPOSTRE, Mémoire de Master 1 sous la direction de D. TARTAKOWSKY, Associations et protection animale en France : 1910 à 1920, Université Paris 8, 2005, 144 p.
[10] E. PIERRE, thèse de doctorat Amour des hommes – amour des bêtes. Discours et pratiques protectrices dans la France du XIXème siècle, Université d’Angers, 1998, p 754.

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