Grandeur et déclin d'un héros
ou l'histoire d'un déclassement :
le pigeon des villes
Article paru dans la Revue Semestrielle de Droit Animalier de l'Université de Limoges RSDA
Didier
LAPOSTRE, président d’AERHO, Association Espaces de Rencontres
entre les Hommes et les Oiseaux
Catherine
DEHAY, présidente d’ACR, Association Chats des Rues
En
traitant, dans cet article, des pigeons bisets des villes, nous sommes bien
conscients de parler d’animaux au statut particulier, considérés comme
nuisibles dans certaines conditions et objet de tensions entre les habitants
des villes. Notre réflexion s'appuiera moins sur l'aspect juridique que sur les
représentations du pigeon et leurs évolutions.
Avant
de proposer notre réflexion aux lecteurs, présentons les motifs qui nous
animent. Les associations que nous présidons ont toutes deux pour objet la
place de l’animal dans la ville ; aussi
travaillent-elles à mettre en œuvre un partage
harmonieux de l’espace urbain entre les hommes et les animaux. Notre démarche
s’appuie sur diverses analyses de sociologues et d’anthropologues relatives à
la place de l’animal dans les politiques urbaines. Ainsi, comme l'écrit
justement Nathalie Blanc pour qui
« la prise en considération de l’animal et la valorisation de son statut
constituent des phénomènes radicalement nouveaux. Si le végétal est depuis
longtemps considéré comme un facteur et un instrument de l’amélioration des
conditions de vie en ville, l’animal était rejeté du côté des forces
destructrices et dangereuses. […] Le végétal pare et embaume la ville, l’animal
la dépare et l’empuantit […]. Mais l’animal n’est pas considéré comme un
élément structurant de l’espace urbain, à la différence du végétal, dont
l’implantation s’inscrit à la fois dans un ordre esthétique et dans une visée
hygiéniste. La végétation est censée avoir un rôle prophylactique, rendre
respirable l’air corrompu ; l’air qui circule dans les espaces libres non
bâtis chasseraient les miasmes urbains. ». Il y
aurait donc, d’un côté, des politiques urbaines qui recherchent le bien-être
commun, en s’appuyant, entre autres, sur le développement du végétal et sur la
réduction de la présence de l’animal, et, de l’autre, comme en opposition à ce
mouvement, des citadins qui éprouvent un réel engouement pour les animaux en
général. De réelles tensions pourraient alors apparaître au sein de la cité au
sujet de la présence de déjections canines ou d'éventuelles surpopulations de
pigeons. Et pourtant, nombreux sont les analystes qui s’accordent à faire des
animaux un élément facilitateur des relations sociales, à l'image des enfants.
Cependant, tout comme les enfants, il s’agit d’un élément à la fois
facilitateur et perturbateur.